Chut! Les étrangers ont voté (et ils vont continuer)

par Miguel Limpo, coordinateur de l’association DPGE

En allant rendre visite à mes parents, un détail posé sur la table, m’a questionné sur la démocratie semi-directe qui fait la fierté de notre pays. Ce détail, c’était leur enveloppe de vote pour les votations du 28 février.

Mes parents vivent en Ville de Genève et n’ont pas le passeport suisse. Pourtant, ils vont être appelés à voter en 2016 sur des sujets primordiaux, notamment sur la politique culturelle de la Ville de Genève. Le MAH d’abord, puis les coupes dans la culture votées par la l’Entente élargie du Conseil municipal dans un deuxième temps.

Le fait que des étrangers résidant en Suisse depuis 8 ans au moins,  puissent s’exprimer sur des sujets importants est réjouissant. Ces étrangers suivent de près la politique municipale qui les concerne directement et profitent des prestations de la Ville de Genève. Mes parents se sont intéressés à cette votation, ont suivi scrupuleusement les positions prises par les partis, en ont parfois discuté ensemble avec leurs amis dans le même cas qu’eux, s’interrogeant parfois sur l’un ou l’autre mot d’ordre.

Est révolu le temps où ces derniers recevaient des enveloppes de vote sans vraiment savoir ce qu’elles représentaient et pourquoi on les leur avait adressées. Le fait de pouvoir s’exprimer régulièrement – avec la nouveauté des 2 tours pour les exécutifs, l’année 2015 a été riche en participation civique – les a sans doute poussé à ne plus considérer au fil du temps que le vote n’était ni un cadeau offert par les Suisses, ni un droit comme un autre, mais une obligation, un signe clair de leur citoyenneté communale.

Les étrangers veulent contribuer au renforcement de notre démocratie. La question de la nationalité n’a absolument rien à voir dans ce débat. A l’inverse, faudrait-il retirer la nationalité aux Suisse qui ne participent jamais à une quelconque élection ou votation? Bien évidemment, c’est absurde. Le vote et l’expression de la volonté générale est avant tout une question de citoyenneté, sentir que l’on fait partie d’une communauté et que notre voix comptera, est un pas incroyable. C’est construire une identité commune, des projets communs, au delà de la nationalité.

Force est aussi de constater que le droit de vote municipal a été accordé et manque passablement de cohérence dans un canton comme Genève où les compétences et les sujets sont imbriqués. Les étrangers peuvent s’exprimer sur la culture au niveau municipal, mais ne peuvent pas soutenir ou s’opposer aux crédits de la Nouvelle Comédie, votée par le Grand Conseil. Les étrangers peuvent s’exprimer sur les rues piétonnes de la Ville mais ne pourront pas voter en faveur ou contre la Traversée de la Rade.

La démocratie n’est pas un concept figé qui doit rester inchangé. Il faut refonder la démocratie, la participation. Oser l’étendre et la renforcer. On le voit partout en Europe, les partis qui appellent à davantage de participation citoyenne vont de succès en succès en Europe. Plus ce concept est évolutif, plus il sera inclusif, plus il sera fort. Pourquoi ne pas accorder le droit de vote cantonal aux personnes d’origine étrangère qui vivent depuis plus de 8 ans en Suisse? Pourquoi ne pas l’accorder dès 16 ans? Pourquoi ne pas abaisser les quorums ou le nombre de signatures nécessaires pour les référendums ou initiatives populaires? Ces questions à défaut d’avoir eu des réponses dans le cadre de la Constituante genevoise, méritent un débat non figé sur la nature de la démocratie, la manière dont nous la concevons et dont nous voulons qu’elle progresse encore, ici et ailleurs.

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